Avortement : mythes et faits

Woman holding up sign during protest that says My Body My Choice

Alors que la décision Morgentaler de 1988 a établi le droit à l’avortement légal au Canada, des obstacles persistent dans l’accès à l’avortement. L’un des principaux obstacles tient à l’existence d’un certain nombre de mythes courants sur l’avortement. Ce document vise à aider à déboulonner ces mythes et à les remettre en question.

MYTHE : Les gens utilisent l’avortement comme une forme de contraception, ou ne se soucieront pas de la contraception si l’avortement est facile d’accès.

Chaque personne prend ses décisions en tenant compte de sa situation actuelle et des ressources dont elle dispose pour rester en bonne santé et s’épanouir. Cela inclut les décisions que nous prenons quant au choix d’une méthode de contraception. En général, il est plus facile d’obtenir une méthode contraceptive que des services d’avortement, et aucune donnée ne démontre que l’avortement sert de principal moyen de contraception à certaines personnes. Cela dit, le fait d’utiliser un de ces services ne signifie pas que nous n’aurons jamais besoin de l’autre. L’avortement fait partie d’un ensemble complet de services de santé sexuelle. La plupart des personnes qui se font avorter déclarent avoir utilisé un moyen de contraception pendant le mois où elles sont devenues enceintes. Personne ne peut supposer ou connaître les raisons pour lesquelles une personne vit une grossesse non planifiée. Le besoin d’un avortement peut être lié à un échec contraceptif (p. ex., bris d’un condom, grossesse malgré la prise de la pilule), au manque d’accès à des informations exactes sur la santé sexuelle et génésique, au manque d’accès à des méthodes contraceptives accessibles et abordables, ou à une agression sexuelle. Quelles que soient les circonstances, les personnes en situation de grossesse non planifiée ont le droit d’accéder à des services de santé génésique de qualité, y compris des services d’avortement.

MYTHE : Les gens se font avorter pour des raisons frivoles.

Bien que les femmes ne soient pas les seules personnes à se faire avorter, une femme sur trois aura un avortement avant l’âge de 45 ans. C’est une intervention très courante. Des personnes qui n’ont jamais eu besoin d’un avortement pourraient être curieuses ou faire des suppositions quant aux raisons pour lesquelles une personne choisit de se faire avorter. La réalité est que les gens se font avorter pour une multitude de raisons.

Le choix de l’avortement, de l’adoption ou de la parentalité est basé sur les circonstances de vie de chaque personne. De nombreuses personnes choisissent l’avortement parce que leur situation sociale, économique ou médicale fait en sorte qu’elles ne peuvent pas ou ne veulent pas poursuivre une grossesse ou élever un enfant à ce moment, ou en tout autre temps. D’autres personnes peuvent trouver important d’espacer les naissances au sein de leur famille pour être capables de bien s’occuper de tous leurs enfants. D’autres encore pourraient être devenues enceintes à la suite d’une agression sexuelle ou d’une coercition reproductive; avoir appris la nouvelle tragique que leur fœtus présente une anomalie mortelle; ou vivre des perturbations comme le chômage, un déménagement ou des violences familiales.

La gamme d’émotions que l’on peut ressentir lorsqu’il nous faut prendre une décision concernant l’interruption d’une grossesse varie considérablement – mais la complexité des facteurs en jeu signifie que cette situation ne peut être évaluée par personne d’autre que celle à laquelle le choix appartient. Chacun-e de nous est mieux placé-e que quiconque pour savoir quoi faire si nous vivons une grossesse non planifiée.

MYTHE : Puisqu’il n’existe pas de loi sur l’avortement au Canada, les avortements sont courants pendant les neuf mois de la grossesse.

La grande majorité des avortements (plus de 90 %) ont lieu au cours des 12 premières semaines de la grossesse (premier trimestre). Il n’existe pas de limite légale au Canada quant au moment où un avortement peut être pratiqué, mais chaque fournisseur(-euse) d’avortement peut imposer une limite gestationnelle dans le cadre de sa pratique, compte tenu de sa formation et des installations disponibles. Cela signifie que l’accès à l’avortement après un certain stade de grossesse peut être plus ou moins difficile selon l’emplacement géographique. À l’heure actuelle, au Canada, aucun-e fournisseur(-euse) d’avortement n’est répertorié-e comme offrant cette intervention au-delà du seuil de 23 semaines et 6 jours.

MYTHE : La personne est irresponsable/de mœurs légères; laissons-la payer pour son erreur ou son mauvais comportement.

Le mythe selon lequel les personnes qui choisissent l’avortement sont de mœurs légères et/ou irresponsables est une simplification extrême des circonstances conduisant à une grossesse non planifiée. Toutes sortes de personnes, issues de divers milieux, peuvent vivre une grossesse non planifiée. La contraception n’est pas toujours disponible et efficace à 100 % et les personnes ne sont pas toujours en mesure de consentir aux relations sexuelles. Des études ont révélé qu’entre la moitié et deux tiers des personnes qui se font avorter utilisaient un moyen de contraception au moment où elles sont devenues enceintes. La sexualité et l’utilisation de moyens contraceptifs dépendent des circonstances de vie des personnes, notamment de facteurs tels que la santé (règles irrégulières, ménopause, etc.), les relations, les soutiens, les ressources disponibles, la consommation de substances, les problèmes médicaux et le stress.

De plus, tout comme l’utilisation de la contraception, les relations sexuelles ne sont pas toujours volontaires. De nombreuses personnes qui recourent à l’avortement n’ont pas été en mesure d’accepter librement des relations sexuelles ou d’utiliser la méthode contraceptive de leur choix. Il peut s’agir de personnes qui sont dans une relation ou pas.

Quant au mythe selon lequel les personnes qui ont besoin d’un avortement sont de mœurs légères, il repose sur le trope sexiste selon lequel les femmes sont « bonnes » ou « mauvaises » et sur notre malaise collectif à l’égard du sexe et de la sexualité. La négativité sexuelle, c’est-à-dire la croyance selon laquelle le sexe est intrinsèquement mauvais, est profondément ancrée dans notre culture. Le sexe et le corps des femmes servent souvent de base à des arguments moraux. Les femmes sont sévèrement jugées quant à leur sexualité, alors que les hommes ne le sont pas. 

MYTHE : Les personnes qui se font avorter en souffrent psychologiquement.

Toutes les décisions importantes de la vie peuvent provoquer une gamme d’émotions. Il n’existe aucune preuve de l’existence d’un « syndrome post-avortement » – un terme controversé qui est utilisé pour décrire les soi-disant difficultés psychologiques et émotionnelles que des personnes peuvent rencontrer après un avortement. Bien que chaque personne puisse réagir différemment à cette expérience en raison de nombreux facteurs (dont le soutien de la famille et des ami-es), le risque de préjudice psychologique est plus élevé lorsqu’une personne choisit l’avortement mais se le voit refuser que lorsqu’elle reçoit en temps opportun des soins compatissants.

En réalité, chaque fois que des études sont réalisées auprès de personnes ayant eu recours à l’avortement, la majorité déclare ne pas avoir trouvé l’avortement nuisible sur le plan émotionnel ou psychologique. Certaines personnes trouvent l’expérience stressante ou difficile à court terme, mais la plupart la vivent positivement et n’éprouvent pas de problèmes à long terme.

MYTHE : L’avortement est dangereux pour votre santé.

C’est faux. Un avortement précoce est beaucoup plus sûr qu’un accouchement. Les groupes anti-choix prétendent souvent que l’avortement entraîne une cicatrisation utérine et des dommages au col utérin, mais les statistiques indiquent que les complications liées à l’avortement sont rares – seulement 0,5 % environ des avortements causent des complications, et celles-ci sont généralement mineures et traitables, comme une infection. Aucune preuve médicalement acceptée ne démontre l’existence d’un lien entre l’avortement et tout type de maladie ou d’affection. Certains mythes tentent d’établir une association entre l’avortement et le cancer du sein, entre autres maladies, mais cela n’est pas appuyé par des faits scientifiques.

MYTHE : Avoir un avortement vous empêchera de devenir enceinte à nouveau.

Le fait d’avoir un avortement n’a pas d’incidence sur la capacité future d’une personne à procréer. L’avortement au premier trimestre est une intervention médicale simple et sûre. Certaines allégations fausses et inventées de toutes pièces associent l’avortement à la fausse couche ou à l’infertilité; elles ne sont pas appuyées par des faits scientifiques. Il est vrai que les gens étaient autrefois confrontés à des risques de dommages physiques et d’infertilité en raison d’avortements dangereux pratiqués par des médecins non qualifié-es, mais cela était dû en grande partie à la criminalisation qui poussait l’avortement dans la clandestinité. La décriminalisation de l’avortement permet à présent à des fournisseur(-euse)s qualifié-es de pratiquer cette intervention dans les mêmes conditions de grande qualité que d’autres interventions médicales.

MYTHE : L’avortement vise principalement les fœtus de sexe féminin.

Depuis quelques années, des militant-es anti-choix propagent le mythe selon lequel l’avortement vise de manière disproportionnée les fœtus de sexe féminin. Cette tactique exploite le langage des droits humains et du féminisme pour tenter de limiter l’accès à l’avortement pour toutes les personnes, alors que ces revendications ne se fondent sur aucune preuve. Premièrement, plus de 90 % des avortements ont lieu avant la fin du premier trimestre, soit bien avant que l’on puisse connaître le sexe du fœtus. L’avortement sélectif peut être pratiqué au Canada dans certains cas, mais il est extrêmement rare et les motifs sont divers. Dans le cas de l’avortement sélectif au motif qu’une famille favorise un sexe plutôt que l’autre, la solution n’est pas d’interdire complètement l’avortement, mais plutôt de contester les attitudes sociétales qui préconisent la naissance de fils plutôt que de filles.

MYTHE : L’avortement détruit la cellule familiale/est un geste anti-parental.

L’avortement et la parentalité ne sont pas des notions qui s’opposent. Plusieurs personnes qui ont recours à l’avortement sont déjà parents. Leur décision est souvent influencée par la volonté de s’assurer qu’elles peuvent prendre soin le mieux possible de l’enfant ou des enfants qu’elles ont déjà. Les parents qui optent pour l’avortement comprennent totalement ce que la parentalité implique et ce qui est nécessaire pour prendre soin adéquatement d’un autre enfant. La planification familiale peut renforcer la vie familiale, car elle permet de planifier le nombre d’enfants, l’espacement entre eux et le moment de leur naissance.

Dans le cas des personnes qui ne souhaitent pas devenir parents, les contraindre à la grossesse et à la parentalité ne rehausserait en rien le concept de la vie familiale. Chaque personne est la mieux placée pour décider de quelle façon elle veut fonder une famille et avec qui.

MYTHE : L’avortement est inutile si les moyens contraceptifs sont faciles d’accès.

Cette affirmation ne tient pas compte du fait que tout moyen contraceptif échoue parfois, même s’il est utilisé correctement et régulièrement. Plusieurs écoles, communautés et foyers n’offrent pas une éducation à la santé sexuelle efficace en ce qui concerne l’utilisation de la contraception – ce qui conduit de nombreuses personnes à mal l’utiliser ou à se tourner vers des méthodes inefficaces. De plus, les moyens contraceptifs ne sont pas toujours faciles d’accès ou abordables.

MYTHE : Au lieu de se faire avorter, les gens devraient placer leurs bébés en adoption.

L’adoption est un choix qui s’offre aux gens qui font face à une grossesse non planifiée et qui ne veulent pas devenir parents. Les personnes qui souhaitent choisir l’adoption devraient recevoir tout le soutien et toutes les ressources nécessaires pour s’assurer qu’elles-mêmes, l’enfant et la famille adoptive vont bien et s’épanouissent. De nombreux(-ses) militant-es anti-choix cherchent à présenter l’adoption comme un « juste milieu » afin de réduire le taux d’avortement – mais l’adoption et l’avortement ne devraient pas être considérés comme des options équivalentes.

Placer un bébé en adoption signifie que la personne en situation de grossesse non planifiée doit mener la grossesse à terme. La grossesse et l’accouchement peuvent avoir un impact considérable sur la santé d’une personne, même après plusieurs années. Ils comportent également plus de risques qu’un avortement pendant le premier trimestre. Certaines personnes ne peuvent pas mener une grossesse à terme pour des raisons de santé, de travail, de situation familiale ou de responsabilité de garde d’enfants. Pour d’autres, il pourrait être traumatisant de mener la grossesse à terme et de renoncer au bébé.

L’adoption est une option importante pour les personnes en situation de grossesse non planifiée, mais elle n’équivaut pas à un avortement; c’est un choix très personnel qui appartient uniquement à la personne enceinte.

MYTHE : L’avortement est facile d’accès si je décide d’y avoir recours.

L’avortement est légal au Canada, mais plusieurs obstacles empêchent des personnes d’y avoir accès lorsqu’elles en ont besoin. Seulement un hôpital sur six offre des services d’avortement; plusieurs exigent une recommandation de médecin; et la majorité des fournisseur(-euse)s sont situé-es dans des centres urbains à moins de 150 km de la frontière entre les États-Unis et le Canada. Cela signifie que les personnes vivant dans des communautés nordiques, éloignées ou rurales doivent souvent parcourir de longues distances pour avoir accès à l’avortement. Les autres obstacles incluent les coûts et les déplacements imprévus, les frais d’hébergement, les problèmes de facturation réciproque et les informations trompeuses diffusées par des individus et organismes anti-choix.

MYTHE : L’avortement tue l’enfant à naître et est une faute morale.

Au cours du premier trimestre, il y a un embryon, qui se développe pour devenir un fœtus après la fin du deuxième mois de gestation. Pendant ces premiers stades de la grossesse, le fœtus n’est pas un être autonome. Au moment où presque tous les avortements sont pratiqués, le fœtus n’est pas viable, ce qui signifie qu’il ne pourrait pas survivre seul hors de l’utérus. L’utilisation de mots percutants comme « tuer » ou « assassiner » pour décrire l’avortement assimile de manière inexacte l’embryon – quelque chose qui a le potentiel de devenir une personne – à une personne réelle, pour susciter chez les gens un fort sentiment de désapprobation. Elle place cette existence potentielle en opposition aux droits et à l’autonomie corporelle d’une personne réelle, vivante, qui existe dans ce monde et qui peut décider de ce qui convient le mieux à son corps, à sa vie et à sa famille. 

Les croyances sont variables et dynamiques; une grossesse désirée peut certainement être considérée comme « un bébé » par la personne qui porte l’embryon ou le fœtus. Mais cela ne supplante pas les droits humains des personnes pouvant devenir enceintes. La morale et les croyances sont personnelles et subjectives – et l’idée selon laquelle l’avortement est « moralement mal » est une opinion qui n’est pas fondée sur des preuves scientifiques ou médicales; elle ne devrait pas influencer les politiques et les soins de santé. L’Association médicale canadienne et la Cour suprême du Canada reconnaissent toutes deux que, d’un point de vue légal, on devient une personne au moment de notre naissance. 

MYTHE : La criminalisation de l’avortement abolira cette pratique.

Les taux d’avortement dans les pays où l’avortement est illégal sont approximativement les mêmes que dans les pays où il est permis. Cela démontre que, même lorsque l’intervention est illégale, des individus trouveront des moyens d’interrompre une grossesse. La criminalisation de l’avortement n’abolira pas l’avortement, mais elle mettra fin aux avortements sûrs. L’histoire du Canada révèle que des gens sont prêts à utiliser des moyens dangereux pour provoquer eux-mêmes un avortement ou à recourir à des fournisseur(-euse)s non réglementé-es, dans les régions où l’avortement n’est pas légal et accessible. Ces avortements non sécuritaires peuvent causer des hémorragies, l’infertilité, voire la mort.

MYTHE : L’expression « pro-choix » veut dire simplement « pro-avortement ».

Les personnes pro-choix croient en tous les aspects de la santé et des droits sexuels et génésiques, y compris le fait qu’une personne en situation de grossesse non planifiée devrait pouvoir décider elle-même de mener sa grossesse à terme ou non. Les personnes pro-choix reconnaissent et soutiennent la capacité des individus de choisir eux-mêmes parmi les trois options possibles en cas de grossesse non planifiée : l’avortement, l’adoption et la parentalité. Être pro-choix, c’est être « pro-avortement » si une personne a besoin de recourir à ce service et être « pro-soutien aux parents et familles » si elle décide de poursuivre une grossesse.

MYTHE : Donner aux jeunes des informations sur la sexualité et l’avortement les encourage à avoir des relations sexuelles et des mœurs légères.

Les études indiquent clairement qu’une éducation efficace et complète en matière de santé sexuelle, comprenant des informations sur la contraception et l’avortement, encourage les individus à prendre des décisions autonomes et éclairées concernant leur santé sexuelle et améliore leur capacité d’accéder à la contraception, de l’utiliser et d’avoir des relations sexuelles plus sécuritaires.

 

Mis à jour le 2023-04-05
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