Peu de progrès pour les droits des femmes, vingt ans après la Déclaration de Beijing

par Sandeep Prasad et la députée Mylène Freeman*
Version anglaise de l’article est d’abord paru dans le Montreal Gazette

Ces deux dernières semaines, la 59e session de la Commission de la condition de la femme (CCF) des Nations Unies (ONU) a réuni à New York des membres de la société civile, des militants des droits des femmes et des chefs d’État. Cette session marquait le 20e anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, et s’est tenue dans le contexte des négociations sur le cadre qui entourera le développement international post-2015 et auquel adhéreront tous les États membres de l’ONU, dont le Canada.

En 1995, le Canada avait solidement épaulé la société civile et les groupes de défense des droits des femmes, menant au langage ferme et novateur de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing sur l’égalité des sexes et les droits fondamentaux des femmes et des filles. Vingt ans plus tard, cependant, les progrès se font toujours attendre.

En effet, le Canada qui était à l’époque un chef de file en matière d’égalité des sexes est tombé au 19e rang selon le plus récent Rapport mondial sur les disparités entre les sexes publié par le Forum économique mondial. Pire encore, notre pays est au 23e rang de l’Indice d’inégalités de genre de l’ONU. Les femmes ont beau avoir fait quelques progrès en matière d’éducation, de santé, de politique active et d’économie, de flagrantes inégalités historiques demeurent.

Au Canada, le pourcentage de femmes vivant sous le seuil de la pauvreté a augmenté ces vingt dernières années. La violence dont les femmes sont victimes continue, les gestes violents posés par des partenaires intimes n’ayant diminué que d’un pour cent. Et les femmes et les filles autochtones sont trois fois plus à risque de subir cette violence.

Chaque jour partout sur la planète, 800 femmes meurent des suites d’une grossesse ou d’un accouchement. Près de 222 millions de femmes vivant dans des pays en développement n’ont pas accès aux contraceptifs modernes qui leur permettraient d’éviter quelque 80 millions de grossesses non désirées, dont le quart mène à un avortement non médicalisé duquel ces femmes peuvent mourir.

Les militants des droits des femmes du Canada et d’ailleurs espèrent de la CCF qu’elle publie des déclarations fortes qui feront avancer la cause des femmes. Pourtant, la Déclaration politique adoptée au premier jour de la 59e session a été négociée à huis clos, sans l’aide d’intervenants clés tel le caucus des femmes représentant des milliers d’organismes et de militants de la société civile de partout sur la planète ayant à cœur les droits des femmes. Cette déclaration finale marque pour beaucoup un net recul.

Les organismes de défense des droits des femmes ont le droit de participer aux travaux de la CCF puisque ces derniers auront éventuellement un impact sur les femmes. Il est impératif d’impliquer davantage la société civile dans tous ces travaux, des négociations aux groupes d’experts. Chaque gouvernement, dont le Canada, doit être à l’écoute de sa population et faire aboutir les engagements qu’il prend. Plus tard cette année, les États membres de l’ONU adopteront un cadre de développement international pour les quinze prochaines années. Ce cadre doit refléter les conseils de la société civile et poursuivre sur la lancée de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing visant à garantir des droits encore trop souvent bafoués, notamment ceux ayant trait à la santé et à la sexualité des femmes et des filles.

Tous les gouvernements, y compris le Canada, doivent faire une plus grande place à la société civile et respecter les engagements qu’ils ont pris à Beijing : garantir aux femmes leurs droits fondamentaux et une vie libre de toute forme de stigmatisation, de discrimination et de violence.

Sandeep Prasad est directeur général d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels. La députée Mylène Freeman (Argenteuil-Papineau-Mirabel) est vice-présidente de l’Association canadienne des parlementaires pour la population et le développement. Mme Freeman faisait partie de la délégation officielle canadienne qui a assisté aux récents travaux de la Commission de la condition de la femme.

Posté sur 2015-03-18